Lettre du docteur Constantinidès au préfet d'Eure-et-Loir, 3 août 1941.

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L’exercice de la médecine par des Israélites est règlementé par un décret du 11 août 1941 avant d’être définitivement interdit par un arrêté du secrétaire d’Etat à la santé en juin 1942. Le courrier du docteur Constantinidès témoigne de son amertume face à l’interdiction qui lui est faite d’exercer sa profession de médecin à Dangeau qu’il considère comme une « sanction infâmante »

Verso de la lettre « … pouvoir répondre aux besoins de leur clientèle. Travail, famille, patrie est la devise du nouvel Etat français. Travail : je n’ai connu que cela dans ma vie et je n’ai jamais mangé d’autre pain que celui gagné à la sueur de mon front, et je ne parle pas des services que j’ai rendus à la population rurale et pauvre, quelques fois au détriment de ma santé et sans jamais prendre de vacances. Famille : je me suis séparé de ma famille, famille de petits bourgeois honnêtes, avec l’ambition de m’intégrer dans la grande famille française. Je suis absolument seul en France, sans famille et sans amis et si je suis resté célibataire, c’est d’abord à la suite de circonstances malheureuses qu’il me serait pénible et trop long à vous exposer, et ensuite pour pouvoir me créer une situation stable et à l’abri du besoin avant de faire partager ma vie de travail et de misère à des êtres innocents. Patrie : je crois n’avoir jamais manqué à mon devoir. Mais il n’est pas que les devoirs militaires et pourquoi limiter dans le passé les services que je suis susceptible de rendre à mon pays ? Enfin, il est triste que par l’abus qui en a été fait, on n’ose plus proclamer que c’est par amour pour la France qu’on a quitté son pays, de peur d’être pris pour un charlatan qui se couvre de ces belles paroles afin de dissimuler sa soif de biens matériels. Je m’excuse, monsieur le préfet, de toute cette mauvaise rhétorique mais il y a des choses qu’aucune loi ne peut règlementer et que le législateur ne peut prévoir, je crois être victime d’une de ces lacunes de la loi et je fais appel à vos sentiments de justice et de charité pour intervenir auprès de monsieur le ministre avant qu’il soit trop tard afin que justice me soit rendue. Veuillez agréer, monsieur le préfet, l’assurance de ma considération respectueuse et de ma profonde reconnaissance ».

Le docteur Constantinidès ne sera pas autorisé à reprendre le travail.

Arch. dép. Eure-et-Loir, 1 W 1693.