1074 W : internat approprié de Chanteloup-Spoir 1917-[1990]

Installé à Chanteloup (Maine-et-Loire) de 1917 à 1953, puis au château de Spoir (Eure-et-Loir) de 1953 à 1983, cet internat public était destiné à l'accueil de garçons de moins de 14 ans, délinquants ou issus de famille en difficulté. Ses archives revêtent un caractère essentiel pour l'histoire de l'éducation surveillée.

Après la loi du 5 août 1850 sur l'éducation et le patronage des jeunes détenus, s'ouvrent peu à peu des établissements publics annexés aux maisons centrales. C'est le cas de la colonie de Saint-Hilaire, dans la Vienne, créée en 1860. A la fois correctionnelle et pénitentiaire, elle se compose de trois fermes (Boulard, Bellevue et Chanteloup) proches de Fontevrault et occupe ses pupilles, souvent citadins, à des travaux essentiellement agricoles.

Une première décision du Ministre de l'Intérieur du 14 janvier 1891 affecte la ferme de Chanteloup comme "école de réforme" pour les enfants de moins de 12 ans à compter du 1er février 1891.

Mais c'est un décret du 9 octobre 1917, rendu en application de la loi du 22 juillet 1912, qui la transforme en internat approprié au placement des mineurs de moins de 13 ans de sexe masculin.

Ce décret prévoit, outre la création d'une commission de patronage et de contrôle, que la direction matérielle et l'administration de cet établissement restent provisoirement confiées au personnel qui y est attaché.

Il devient alors le seul établissement public de ce genre et accueille des pupilles venus de toute la France.

En juillet 1953, il est transféré en Eure-et-Loir, dans le château de Spoir récemment acquis par le ministère de la Justice. C'est alors un internat où "45 garçons de moins de 14 ans [...] sont nourris, logés, habillés, soignés, instruits et éduqués" [d'après un rapport présenté en 1961 à l'occasion d'une demande de subvention de l'association d'action éducative de l'internat de Spoir au Conseil général, dossier FR AD 28/49 W 5] . Ce sont moins des délinquants réels que des enfants "moralement abandonnés, dont l'éducation première a été généralement faussée par un milieu social et familial déplorable" [dossier FR AD 28/26 W 144].

Pour des raisons financières, l'internat ferme le 30 juin 1989 et l'activité de Spoir est redéployée : il devient un centre de jour qui propose à des demi-pensionnaires des activités d'insertion et de formation professionnelle, tandis que se développent des consultations (appelés ensuite "centres") d'orientation et d'action éducative (COAE) travaillant en milieu ouvert à Chartres et Dreux et le service éducatif auprès du tribunal (SEAT) de grande instance de Chartres.

Le versement 1074 W (1917-v. 1990) provient de la Direction départementale de la Protection judiciaire de la Jeunesse. Il est constitué des archives de l'internat approprié de Chanteloup (en Maine-et-Loire), installé en juillet 1953 au château de Spoir (Eure-et-Loir). La grande richesse du fonds vient des dossiers individuels des pupilles, qui constituent une série complète de la création de l'internat, en 1917, à sa fermeture (et au-delà puisque les derniers dossiers datent de 1985). Outre leur partie purement administrative (extrait de naissance du pupille, copie du jugement ou ordonnance de placement, correspondance avec le juge, états de pécule, bulletin de libération), ces dossiers contiennent :

- un dossier scolaire ("bulletins semestriels de renseignements" puis bulletins de notes, rapports des instituteurs et fiches du professeur d'éducation physique mais aussi dictées, rédactions, problèmes mathématiques et parfois dessins) et d'orientation (contrats de placement ou d'engagement militaire dans les années 1930, fiche d'orientation professionnelle après 1970) ;

- la correspondance reçue par le pupille, éventuellement synthétisée sous forme de fiches de correspondance, des rapports d'enquête sociale et familiale, des bulletins de permission, des rapports et des tests psychologiques (sous forme d'émouvantes rédactions intitulées "histoire de ma vie" avant 1940), des "bulletins de statistique morale" répertoriant les manquements à la discipline puis des rapports de comportement, parfois les cahiers de l'éducateur ;

- un dossier médical, sous forme de fiche récapitulative puis de carnet de santé.

Ces pièces apportent de précieux éléments sur ces jeunes délinquants, tant pour l'histoire de la protection judiciaire de la jeunesse que pour l'histoire sociale, l'histoire des mentalités et l'histoire de l'éducation.